"je redécouvrais à Tipasa qu'il fallait garder intactes
en soi une fraicheur, une source de joie, aimer le jour qui échappe à
l'injustice, et retourner au combat avec cette lumière conquise. Je retrouvais
ici l'ancienne beauté, un ciel jeune, et je mesurais ma chance, comprenant
enfin que dans les pires années de notre folie le souvenir de ce ciel ne
m'avait pas quitté. C'était lui qui pour finir m'avait empêché de désespérer.
J'avais toujours su que les ruines de Tipasa étaient plus jeunes que nos chantiers
et nos décombres. Le monde y recommençait tous les jours dans une lumière
toujours neuve. O lumière ! c'est le cri de tous les personnages placés, dans
le drame antique, devant leur destin. Ce recours dernier était aussi le nôtre
et je le savais maintenant. Au milieu de l'hiver, j'apprenais enfin qu'il
y avait en moi un été invincible.
.
( extrait de"retour à Tipasa", Albert Camus, 1952)
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